Mauvais sang
Ce poème à rallonge ( on peut en dégager sept parties typographiquement distinctes) s'ouvre sur un autoportrait : « goût pour le sacrilège et la luxure », qui est fondé sur une ascendance gauloise. Il refuse le travail, fait l'éloge de la paresse. Ce discours auto-accusateur est-il sincère ? Rimbaud, dans ce moment de crise où il rédige Une saison en enfer, se laisse-t-il envahir par la honte et la fatigue de soi ? Ou bien faut-il deviner là quelque ironie, le « damné » se complaisant à mimer la parole de l'Autre, du juge, du bourreau, par provocation, par bravade ? Rimbaud se sent pris dans un engrenage lié à son origine sociale, à sa race et, plus généralement, à l'Histoire. Le poète tente d'imaginer les vies qui auraient pu être les siennes à d'autres moments de l'Histoire. Il s'y retrouve toujours comme un membre de la « race inférieure ». Rimbaud se représente le moment actuel comme celui d'un achèvement de l'Histoire. Cette fin des temps est marquée par un retour du paganisme. En somme, le poète convoque les grands mythes pour exprimer de façon hyperbolique son impression de vivre, sur un plan personnel, une situation de crise profonde et irréversible. Quel recours, dans ce péril extrême ? Dieu, la religion ? Mais « l'Évangile a passé ». Reste une autre voie de repentir, se mettre aveuglément au service des dominants. Hier, c'étaient les croisades, les guerres de mercenaires. Aujourd'hui, ce sont les expéditions coloniales de la République : quitter l'Europe, aller aux « climats perdus », se mêler aux « affaires politiques ». Mais comment prendre un tel parti lorsqu'on s'appelle Arthur Rimbaud et qu'on a « horreur de la patrie » ? Le poète se résout donc à mener une vie obscure (« Ne pas porter au monde mes dégoûts et mes trahisons »), à accepter le type de vie que la société réserve à ses esclaves : « la marche, le fardeau, le désert, l'ennui et la colère » ce qui n'est rien d'autre au fond qu'une forme de mort précoce « point de