monologue invention
J'aime cette perception de l'avenir (Jean se rapproche de Bérenger) : l'Homme sera réduit à néant et nous écraserons tout ce qui sera sur notre passage! (il attaque Bérenger mais, ne maîtrisant pas encore totalement son corps de rhinocéros, Jean échoue. Bérenger s'aggripe sur une chaise, apeuré.)
Je me sens si bien, être un rhinocéros me subjugue de bonheur : je vois la vie sous un angle fascinant, celui d'un être robuste, craint par tous les autres. Pourquoi n'y suis-je pas parvenu avant ? Pourquoi n'ai-je pas abandonné mon petit corps de minable créature préalablement ? Pourquoi ?
(Jean fixe Bérenger) Ce corps, si mince, sans force, à la peau si flasque et si blanche ? Désormais grandiose, redoutable, dur, d'un vert au dessus de toutes les autres couleurs. Cette petite bosse qui me servait simplement à respirer et à sentir quelques odeurs ? (Il renifle Bérenger d'un souffle chaud et bruyant). Désormais une bosse plus ouverte, plus développée, qui me permet de sentir absolument tout, je peux sentir de si loin la végétation, le danger, l'humain. Et cette corne ? Elle est... comment dire... ? Elle est si précieuse, si utile, je peux attaquer n'importe quoi ou n'importe qui sans que je sois touché, elle est si importante pour vivre dans ce monde, elle me protège.
J'aime ce que je suis devenu. Je me sens si libre, je n'ai plus de limites, plus de règles à respecter. Je suis si imposant, si puissant à présent. Pourquoi Bérenger a-t-il lui choisi de rester homme, pourquoi ne me suit-il pas ? La vie du rhinocéros est bien meilleure que celle de l'homme : L'homme a des valeurs contestables, il est retenu par des règles, des lois. Son comportement est limité par ces règles, il se dit "libre"