Montaigne et l'épicurisme, essais.
Dans cet extrait, tiré du dernier chapitre des Essais (chapitre XIII du Livre III), Montaigne montre son adhésion pleine et entière à une morale de l'instant et du plaisir. Il défend en effet l'épicurisme qu'il présente comme une morale d'existence.
I. Une réflexion sur la condition humaine et le bonheur.
a) Le rapport au temps : pour comprendre la valeur de l’existence Montaigne procède d’abord par une analyse du langage. Il a remarqué que l’on dit usuellement (c’est une « phrase ordinaire ») « passer le temps » pour signifier que l’on dédaigne ou même que l’on fuit le temps. Il se refuse à ce lieu commun : « j’ai un dictionnaire tout à part moi » peut se traduire par : « je donne à certains mots un sens différent de celui des dictionnaires ». Il refuse de laisser « passer le temps ».Certes on peut parfois ruser avec le temps quand il n’est pas bon « mauvais et incommode » (le temps de la souffrance et de la maladie), mais si le temps est « bon » il faut essayer de le vivre de façon active, car le temps peut devenir une valeur positive et non négative : certes le temps « passe », nous avons l’impression que la vie nous coule entre les doigts ou qu’elle nous presse, mais nous « passons le temps », nous usons de « passe-temps » (Pascal emploiera le terme de divertissement), nous fuyons au lieu de saisir ce qui passe! cf. antithèses entre les champs lexicaux de la fuite et la saisie : « courir » « passer », « couler », « échapper », « gauchir », « ignorer », « fuir », « écoulement » (image de l’eau, de la course, de l’escrime) // « retâter », « tenir », « rasseoir », » arrêter » « saisie ». Il y a pour Montaigne une certaine lâcheté à ne pas accepter sa condition temporelle : d’où l’ironie de l’adjectif « prudents = sage » (antiphrase) et l’emploi plus critique de l’adjectif latin « stulti »= sots.
b) la vie : ce n’est pas seulement du temps mais de la vie que Montaigne parle.
- c’est en prenant conscience du temps que l’homme goutera le