Noeuds de viperes
Shenaz Patel évoque le destin de ces milliers d'âmes perdues, reléguées et vite oubliées dans les plus sordides bidonvilles de l'île Maurice ; les femmes sont au premier plan de ce drame silencieux : Charlesia qui incarne la mémoire, Raymonde qui pendant l'exode à bord du Nordvaer a donné naissance à Désiré, enfant sans racines voué à une errance sans espoir.
Il y a une vingtaine d’années, j’ai été très frappée, un jour, par des images vues dans les journaux, de femmes s’opposant avec véhémence à la police lors d’une manifestation à Port Louis. J’ai ainsi découvert, plus en détails, le combat des Chagossiens, peuple déraciné. Peu de temps après, devenu journaliste, je suis, pour un de mes premiers articles, allée à la rencontre de ces femmes qui m’ont raconté l’histoire tragique qu’elles avaient vécue, et qu’elles continuaient à vivre. Parmi ces femmes se trouvait Charlesia, que j’ai à nouveau retrouvée des années plus tard. Et qui, en apprenant que j’écrivais des romans, m’avait fait promettre qu’un jour, je raconterais aussi son histoire à elle.
Si l’écrivain a un rôle quelconque à jouer, (ce qui demeure une question posée), c’est peut-être pas seulement d’inventer des histoires mais aussi de ne pas laisser mourir les histoires qui existent autour de lui, et qui demandent à être racontées pour ne pas sombrer dans l’oubli et le silence. Et le romanesque me semble, au fond, un moyen privilégié de rendre plus réel, plus vivant, de donner une chair, un sang, des yeux, une respiration, une incarnation à une histoire qui pourrait autrement rester uniquement une affaire de dates et d’événements. Pour écrire Le Silence des Chagos, je me suis donc inspirée de l’histoire que m’a confiée Charlesia, mais également d’autres personnes comme Raymonde et Désiré, rencontrés par la suite. Eux aussi ayant vécu une histoire qu’il m’aurait semblé dommage de ne pas aider à faire connaître.
À travers leurs histoires romancées, Le Silence