Notion d'utopie allemande
Bénédicte ABRAHAM
Décrire un monde utopique est une constante de la littérature depuis l’Antiquité gréco-latine et les auteurs de contes romantiques allemands ont été, eux aussi, séduits par l’écriture de l’ailleurs. L’étymologie latine du terme « ailleurs » renvoie à l’idée de l’autre supposé meilleur[1] et rejoint ainsi la signification du néologisme forgé par Thomas More en 1516. L'utopie désigne un non-lieu plus heureux, conçu par l'esprit humain, susceptible de pallier les déficiences de la réalité, le plus souvent dans l’ordre politique ou social. La littérature ne fait que confirmer l’équivalence qui existe entre l’utopie et la conception d’une société idéale. Souvent bibliques ou religieuses, les sources de l'utopie occidentale se trouvent au jardin d'Eden, puis dans la quête du Paradis terrestre, dans les îles fortunées et autres pays de Cocagne, et c’est chez Platon qu'il faut chercher les prémisses d'une version laïque de la société idéale. L'ouvrage de Thomas More[2], qui constitue le paradigme de l'utopie classique et inaugure la naissance officielle de l'utopie comme genre littéraire, confirme la vocation politique du genre. Son récit décrivant « la meilleure constitution d'une République », située sur la nouvelle île d'Utopie, donne au terme « utopie » la signification d’un espace le plus souvent insulaire et remarquable par sa nouveauté – « île nouvelle » – et destiné à illustrer une organisation exemplaire de la cité – c'est-à-dire un espace politique. Les successeurs de More vont s'employer à décrire et même parfois à construire ce « splendide nouveau monde ». Au XVIIIe siècle, Voltaire, dans un chapitre de Candide ou l'optimisme, décrit à son tour une société idéale située en Eldorado, où l'on voit Candide et son compagnon de voyage, Cacambo, – l'utopie étant le plus souvent découverte au cours d'un voyage – conviés à des repas plantureux,