Nu dans le théatre
J’ouvre aujourd'hui la porte dorique de mon abécédaire à l'alphabet grec - dignement représenté ici par sa treizième lettre —, c'est pour parler de NU. Cette mystérieuse et édifiante consonne qui trône entre le MU et le XI, et qui correspond à la quatorzième lettre de notre alphabet, n'en a pas fini de faire couler de l'encre. Et au théâtre comme dans la vie, le NU qui s'affiche tout simplement comme tel — c'est-à-dire sans fard, au naturel, dans sa brutale évidence — ne peut jamais être admis comme une lettre à la poste. On le traite comme un analphabète. Encore en 1996, à Montréal, aussitôt qu'il se présente sur une scène Quelconque, voilà le NU solidement encadré par la Loi et l'Ordre comme par MU et XI, pour qu'il rentre dans le rang.
Pour les agents de l'Escouade de la moralité, un NU non sexuel est aussi inimaginable Et incompréhensible que... le grec ancien. Encore en 1996, si le NU est admis facilement dans un bar ou un établissement érotique, il suffit qu'il se manifeste vêtu de sa pure innocence dans un théâtre expérimental, et voilà que notre police rappliquera avec pour seule réplique le NU roumain, mot qui comme on le sait veut dire NON !
Nudité du GTEQ, ou le naturisme au théâtre Une expérience originale a eu lieu à l'Espace Libre de Montréal au début de mai 1996 : la présentation de la pièce Nudité du Grand Théâtre Émotif du Québec (GTEQ), par des acteurs nus et devant des spectateurs également nus. Il s'agit certainement d'une première québécoise et, probablement, d'une première mondiale. J'ai par le passé émis des doutes sur l'usage du nu au théâtre. Déjà dans les Informations naturistes québécoises1, que je dirigeais, j'avais publié un article de Nicole et Michel Marier dénonçant un théâtre dit nudiste qui se pratiquait au Royaume de l'Éden, où un nombreux public sollicité par des annonces racoleuses était manifestement invité à se rincer l'œil. Plus tard, j'ai écrit dans feu 322 un article intitulé « Le degré zéro du costume