oedipe
"Œdipe n'est pas coupable au sens moderne mais il est responsable des malheurs de la cité. Son rôle est celui d'un véritable bouc émissaire humain."
Et il ajoute que :
"L'enquête toute entière est une chasse au bouc émissaire qui se retourne, en fin de compte, contre celui qui l'a inaugurée."
Œdipe ne saurait être considéré comme coupable au sens moderne du terme : il n'a tué son père que dans ce qui peut s'apparenter à un acte de légitime défense, et sans savoir qu'il s'agissait de son père. Quant à l'inceste, non seulement il ne l'a pas commis volontairement, mais toute sa vie n'a été qu'un effort éperdu pour y échapper. Œdipe serait donc acquitté devant un tribunal humain.
Il est cependant responsable des malheurs de la cité : c'est en effet très clairement sa présence qui irrite les Dieux, et cause le "λοίμος", la peste, dont meurent les Thébains. Il porte en lui une souillure, catégorie religieuse (c'est à dire ni morale, ni juridique).
Il assume d'ailleurs pleinement cette responsabilité : cf. 1ère scène, face au prêtre : en tant que Roi, il se doit d'écarter la souillure. En tant qu'être marqué par le destin, il ne se révolte pas et accepte l'exil qu'il a lui-même prononcé.
Non seulement il est responsable, mais il est même seul responsable : "il n'est pas d'autre mortel qui doive souffrir autant que moi", dit-il pour rassurer le chœur.
Enfin, René Girard a raison de montrer qu'il s'agit d'une chasse au bouc émissaire "qui se retourne contre celui qui l'a inaugurée" : voir les nombreuses métaphores de la chasse (1er stasimon, p. ex, images de la cavale et du taureau). Œdipe cherche d'abord à reporter la responsabilité sur quelqu'un d'autre, des coupables "logiques" : Créon et Tirésias. Mais à la fin, toute la culpabilité (au sens religieux !) retombe sur