Othello : la destruction d'une identité
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26 pages
De tous les auteurs qui ont marqué l’Histoire, Shakespeare (1564-1616) est certainement l’un de ceux qui sont les plus étudiés en ce début de XXIe siècle. Si un auteur anglais de l’époque élisabéthaine soulève toujours les passions, c’est entre autres parce que ce dernier avait une connaissance profonde de la nature humaine et qu’il a su en faire une représentation juste. La nature humaine étant ce qu’elle est, sa poésie, en plus d’être remarquable, dévoile des vérités dont l’appropriation permet d’ouvrir de nouvelles perspectives. En 1604, La tragédie d’Othello, Maure de Venise est jouée pour la première fois et sera publiée post-mortem en 1622. Ce chef-d’œuvre est inspiré du 7e conte de la 3e décade, consacrée aux infidélités conjugales, de l’œuvre Hecatommithi (1565) de l’auteur italien Giraldi Cintho publiée en français en 1583. Contrairement au simple drame domestique de la source, la pièce de Shakespeare met en scène un personnage grandiose, Othello, dont l’étude révèle comment une autoreprésentation identitaire pourtant bien définie peut être détruite par le discours de l’Autre sur soi, dévoilant une vérité de la nature humaine toujours actuelle. Grâce au prisme de la philosophie morale contemporaine, principalement de la théorie de Charles Taylor dans son ouvrage Les Sources du moi, l’étude de l’identité d’Othello montre de quelle manière la nature « étrangère » et « étrange » du personnage, illustrée concrètement par sa couleur de peau foncée, inspire un discours négatif latent, un discours racial, dans la société dans laquelle il évolue ; discours qui, une fois approprié par Othello, mènera à son autodestruction.
Deux identités en parallèle Dans le premier acte, le personnage d’Othello est présenté selon deux discours complètement opposés. D’abord, dès l’ouverture, il est évoqué par trois personnages issus de la noblesse vénitienne, Iago, Roderigo et Brabantio, dont les paroles haineuses sont un reflet d’un discours racial sur les Maures