Quand les anglais parlaient français
PAR
M. ANDRÉ CRÉPIN
MEMBRE DE L’ACADÉMIE
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L’Institut de France célèbre le centenaire de l’Entente cordiale par une exposition, au château de Chantilly, de ses trésors anglais, du XVIIIe et du XIXe siècles. Je vous propose aujourd’hui de revisiter l’époque médiévale, quand les Anglais parlaient français. La vérité oblige à préciser : « quand certains Anglais parlaient un certain français ». Ces restrictions indiquent la double série de problèmes, sociaux et linguistiques, que nous allons rencontrer. « L’Angleterre est une île », ce qui signifie une forteresse quasi inviolable comme le déclame Jean de Gand dans la célèbre tirade de Shakespeare, ou bien la cible de maintes migrations, un carrefour de civilisations. Une excursion sur les côtes françaises de la Manche souligne la proximité de l’Angleterre. Les flots emmenèrent Guillaume à la conquête de l’Angleterre en 1066, les flots nous apportèrent d’Angleterre la libération en 1944. Les musées du débarquement des forces alliées voisinent avec celui de la Tapisserie de Bayeux, qui déroule le récit de la Conquête de 1066. 1066 est une date fondatrice pour l’Angleterre. Les souverains anglais se comptent à partir de Guillaume Ier. En 1066, à la mort d’Édouard le Confesseur, l’Angleterre se trouve devant trois avenirs possibles : redevenir royaume scandinave comme sous le règne récent de Cnut, ou bien continuer son indépendance anglo-saxonne, ou encore se rattacher à la Normandie d’où Édouard le Confesseur est venu. Un carambolage élimine en moins de trois semaines les prétendants norvégien et anglo-saxon, et donne la victoire à Guillaume. L’Angleterre voit désormais son destin étroitement lié à celui de l’Europe continentale. L’avènement de la dynastie Plantagenêt en 1154 élargit le royaume et l’horizon : Henri II Plantagenêt, grâce à son mariage avec Aliénor d’Aquitaine, règne des confins de l’Écosse à ceux de la Navarre. Même si son