Rimbaud
L’extraordinaire célébrité de Rimbaud, l’évidente propagation d’un mythe que sa vie et son œuvre semblent avoir favorisé empêchent souvent d’estimer réellement ce qu’il fut. Provoquant les admirations les plus sincères et les plus opposées (Claudel et les surréalistes), parfois même l’idolâtrie, il a pu donner lieu également à des jugements suspicieux, parmi lesquels, au premier chef, celui d’Etiemble, observateur scrupuleux du mythe, mais détracteur souvent partial du poète.
Mieux vaut le restituer à son trajet inventif, conclu – on ne le sait que trop – par une distance prise vis-à-vis de la littérature qui d’ailleurs n’empêchera pas Rimbaud de poursuivre l’aventure de la fiction sous la forme de l’aventure géographique, ce qui marque de sa part moins de contradiction qu’on n’a bien voulu le croire.
L’appel des lointains
Né à Charleville en 1854, Rimbaud, fort tôt, dut constater l’absence de son père, militaire de carrière, qui s’était séparé de sa mère, Vitalie Cuif, une paysanne de Roche, alors qu’il n’avait que six ans. L’étroit milieu carolomacérien, où Mme Rimbaud fait figure de personnalité revêche et rigoriste, où l’enseignement du collège est dispensé par un personnel mêlé de laïcs et de prêtres, constitue le monde où il doit vivre. Il découvre alors le superbe antidote de la poésie par le biais d’exercices scolaires tout d’abord, notamment de compositions en vers latins où il excelle par son savoir et son invention: ce seront ses premiers textes publiés, dans le Bulletin de l’académie de Douai. Les recueils poétiques qu’on lui prête ou qu’il vole, les récents fascicules du Parnasse contemporain lui révèlent bientôt un autre univers. Théodore de Banville, Gautier, Leconte de Lisle, autant de modèles qu’il admire et saura démarquer avec toute la vivacité de son génie, cependant que Hugo reste encore pour lui un inévitable sommet, dont il rejette l’emphase, mais retient la fantasia verbale. Déjà, parmi toutes ces voix, il entend celle