Roméo et juliette
Pendant plusieur jours de suite des lambeaus d'armée en déroute avaient traversés la ville. Ce n'était point de la troupe, mais des hordes débandées. Les hommes avaient la barbe longue et sale, des uniformes en guenilles, et ils avancés d'une allure mou, sans drapeau, sans régiment. Tous semblaient accablés, éreintés, incapables d'une pensée ou d'une résolussion, marchant seulement par habitude, et tombant de fatigue sitôt qu'il s'arrêtaient. On voyait surtout des mobiliser, gens pacifics, rentiés tranquilles, pliant sous le poids du fusil ; des petits moblots alertes, faciles à l'épouvente et pronpts à l'enthousiasme, prêts à l'attaque comme à la fuite ; puis, au milieu d'eux, quelques culottes rouges, débris d'une division moulu dans une grande bataille ; des artilleurs sombres alignés avec ces fantassins divers ; et, parfois, le casque brillant d'un draguon au pied pesant qui suivait avec peine la marche plus légère des lignards.
Des légions de francs-tireurs aux appellations héroïques : « Les Vengeurs de la Défaite - les Citoyens de la Tombe - les Partageurs de la Mort » - passait à leur tour avec des airs de bandits.
Leur chefs, anciens commercants en draps ou en graines, ex-marchands de suif ou de savon, guerriers de circonstance, nommés officiers pour leurs écus ou la longueur de leurs moustaches, couverts d'armes, de flanelle et de galons, parlaient d'une voix retentisante, discutaient plans de canpagne, et prétendaient soutenir seuls la France agonisante sur leurs épaules de fanfarons ; mais ils redoutait parfois leurs propres soldats, gens de sac et de corde, souvent braves à outrance, pillards et débaucher.
Les Prussiens aller entré dans Rouen, disaient-on.
Maupassant, Boule de Suif, extrait de