Rêve parisien
1/ J'écris par les oreilles. Pour les acteurs pneumatiques. Les points, dans les vieux manuscrits arabes, sont marqués par des soleils respiratoires ...Respirez, poumonez ! Poumoner, ça veut pas dire déplacer de l'air, gueuler, se gonfler, mais au contraire avoir une véritable économie respiratoire, user tout l'air qu'on prend, tout l'dépenser avant d'en r'prendre, aller au bout du souffle, jusqu'à la constriction de l'asphyxie finale du point, du point de la phrase, du poing qu'on a au côté après la course.
2/ Bouche, anus. Sphincters. Muscles ronds fermant not' tube. L'ouverture et la fermeture de la parole. Attaquer net (des dents, des lèvres, de la bouche musclée) et finir net (air coupé). Arrêter net. Mâcher et manger le texte. Le spectateur aveugle doit entendre croquer et déglutir, se demander ce que ça mange, là-bas, sur ce plateau. Qu'est-ce qu'ils mangent ? Ils se mangent ? Mâcher ou avaler. Mastication, succion, déglutition. Des bouts de texte doivent être mordus, attaqués méchamment par les mangeuses (lèvres, dents); d'autres morceaux doivent être vite gobés, déglutis, engloutis, aspirés, avalés. Mange, gobe, mange, mâche, poumone sec, mâche, mastique, cannibale !Aie, aie !..
3/ Beaucoup du texte doit être lancé d'un souffle, sans reprendre son souffle, en l'usant tout. Tout dépenser. Pas garder ses p'tites réserves, pas avoir peur de s'essouffler.Semble que c'est comme ça qu'on trouve le rythme, les différentes respirations, en se lançant, en chute libre. Pas tout couper. tout découper en tranches intelligentes, en tranches intelligibles - comme le veut la diction habituelle française d'aujourd'hui où le travail de I'acteur consiste à découper son texte en salami, à souligner certains mots, les charger d'intentions, à refaire en somme l'exercice de segmentation de la parole qu'on apprend à l'école : phrase découpée en sujet-verbe-complément d'objet, le jeu consistant à chercher le mot important,