S3 LA2 Texte L I le des esclaves sce ne 3
TRIVELIN, à part, à Euphrosine. − Il faut que ceci ait son cours; mais consolez-vous, cela finira plus tôt que vous ne pensez. (A Cléanthis.) J'espère, Euphrosine, que vous perdrez votre ressentiment, et je vous y exhorte en ami. Venons maintenant à l'examen de son caractère : il est nécessaire que vous m'en donniez un portrait qui se doit faire devant la personne qu'on peint, afin qu'elle se connaisse, qu'elle rougisse de ses ridicules, si elle en a, et qu'elle se corrige. Nous avons là de bonnes intentions, comme vous voyez. Allons, commençons.
CLEANTHIS. − Oh ! que cela est bien inventé ! Allons, me voilà prête; interrogez-moi, je suis dans mon fort.
EUPHROSINE, doucement. − Je vous prie, Monsieur, que je me retire, et que je n'entende point ce qu'elle va dire.
TRIVELIN. − Hélas ! ma chère dame, cela n'est fait que pour vous; il faut que vous soyez présente.
CLEANTHIS. − Restez, restez; un peu de honte est bientôt passé.
TRIVELIN. − Vaine, minaudière et coquette, voilà d'abord à peu près sur quoi je vais vous interroger au hasard. Cela la regarde-t-il ?
CLEANTHIS. − Vaine, minaudière et coquette, si cela la regarde ? Eh ! voilà ma chère maîtresse; cela lui ressemble comme son visage.
EUPHROSINE. − N'en voilà-t-il pas assez, Monsieur ?
TRIVELIN. − Ah ! je vous félicite du petit embarras que cela vous donne; vous sentez, c'est bon signe, et j'en augure bien pour l'avenir : mais ce ne sont encore là que les grands traits; détaillons un peu cela. En quoi donc, par exemple, lui trouvez-vous les défauts dont nous parlons ?
CLEANTHIS. − En quoi ? Partout, à toute heure, en tous lieux; je vous ai dit de m'interroger; mais par où commencer ? Je n'en sais rien, je m'y perds. Il y a tant de choses, j'en ai tant vu, tant remarqué de toutes les espèces, que cela se brouille. Madame se tait, Madame parle; elle regarde, elle est triste, elle est gaie : silence, discours, regards,