Shaka ponk
Cocteau préconise au contraire une poésie du quotidien, consistant non à privilégier des éléments du réel choisis pour leur supposée qualité esthétique, mais plutôt à renouveler le regard porté sur l’environnement le plus prosaïque, afin d’éclairer sa beauté propre, son identité. Les termes employés par le poète pour qualifier cette transfiguration appartiennent au champ lexical de la lumière : " un éclair ", " elle dévoile ", " une lumière qui secoue sa torpeur ". Ils renvoient à une activité sensorielle pleine : " voir ", " entendre ", " nous ouvre les yeux ", " nous débouche les oreilles ". La poésie telle que l’envisage Cocteau suppose donc une opération de transfiguration évoquée sous la forme de l’injonction à la fin du texte : le poète est celui qui procède à une transmutation du langage, qui vivifie les lieux communs.
Les poèmes de Ponge et de Réda répondent chacun à leur manière aux attentes de Cocteau. Réda opère dans son texte une transfiguration d’un objet technique appartenant au domaine du sport ou à l’univers de l’enfance. En saisissant les mouvements infimes de la lumière sur un objet banal, en les traduisant par les images des " gouttes d’or " (vers 6), du " feu vert et doré " (vers 11), il entraîne le lecteur dans l’expérience sensorielle qu’il a connue, lui offre ainsi une image renouvelée de la bicyclette désormais métamorphosée en oiseau (vers 9), puis en planète (vers 21). L’objet quotidien est donc devenu presque surnaturel, et le poète a ainsi