Si c'est aimer, ronsard. commentaire
Madrigal in Sonnets pour Hélène (1578) de Pierre de Ronsard (1524-1585)
Si c'est aimer, Madame, et de jour et de nuit
Rêver, songer, penser le moyen de vous plaire,
Oublier toute chose, et ne vouloir rien faire
Qu'adorer et servir la beauté qui me nuit :
Si c'est aimer de suivre un bonheur qui me fuit,
De me perdre moi-même, et d'être solitaire,
Souffrir beaucoup de mal, beaucoup craindre, et me taire
Pleurer, crier merci, et m'en voir éconduit :
Si c'est aimer de vivre en vous plus qu'en moi-même,
Cacher d'un front joyeux une langueur extrême,
Sentir au fond de l'âme un combat inégal,
Chaud, froid, comme la fièvre amoureuse me traite :
Honteux, parlant à vous, de confesser mon mal !
Si cela c'est aimer, furieux, je vous aime :
Je vous aime, et sais bien que mon mal est fatal :
Le cœur le dit assez, mais la langue est muette.
Léonard de Vinci (1452-1519)
La Dame à l'hermine
Huile sur panneau - 54 x 39 cm
Cracovie, Czartoryski Muzeum
Ronsard, le fondateur de la Pléiade, a 54 ans lorsqu'il rencontre la jeune Hélène de Surgères, demoiselle de compagnie à la cour de Catherine de Médicis. Elle vient de perdre durant la guerre civile, le capitaine Jacques de la Rivière, dont elle était éprise. La reine invite Ronsard à la consoler. Il lui composera les sonnets restés si célèbres. Dans ce madrigal * rédigé en 1578, dont l’incipit est « Si c’est aimer, Madame … », il lui fait une déclaration d’amour inspirée de la tradition de l’amour courtois. Reprenant le topos du « fou d’amour » médiéval, il va évoquer ses souffrances d’amoureux dédaigné en idéalisant sa dame, avant d’oser lui avouer sa flamme. Nous examinerons d’abord l’expression du sentiment amoureux, puis la difficulté à l’exprimer par des mots.
* madrigal : courte poésie galante
I) Le fou d’amour
A) Les symptômes du mal d’amour
- Le vocabulaire de la souffrance est omniprésent et appartient au lexique de