Spleen et idéal, baudelaire
Le titre, Spleen et Idéal, est significatif. On le sait, Baudelaire est, par excellence, le poète du Spleen. Ce mot anglais était déjà employé en France vers la fin du XVIIIe siècle et des Romantiques comme Musset et O'Neddy l'ont mis à la mode vers 1830. Cependant, Baudelaire enrichit considérablement l'imagerie et la portée de ce terme: désormais, il ne renvoie plus à une mélancolie rappelant le mal du siècle, mais il désigne un ennui absolu, existentiel, si lourd qu'il en devient paralysant. Mais Baudelaire est aussi le poète de l'Idéal, c'est-à-dire de l'aspiration vers la perfection, vers le monde des Idées où toute contrainte, désormais, est effacée.
C'est aussi dans Spleen et Idéal que Baudelaire aborde les thèmes de l'art et de l'amour. L'art évoque naturellement l'univers du rêve, de l'imagination, là où l'Esprit règne sur le monde et échappe au Temps; mais l'art, pour Baudelaire, est aussi dominé par la Beauté, froide comme le marbre, ardue à conquérir, presque inaccessible. La dualité idéal/spleen est donc en jeu ici, de la même manière qu'elle se retrouve dans la manière dont Baudelaire aborde le thème de l'amour. De fait, la sensualité inspirée par Jeanne Duval peut tout aussi bien mener le poète à une langueur rêveuse qu'à un aigu sentiment de déchéance. L'amour spirituel, inspiré par Mme Sabatier, ou fraternel sont aisément associables à l'aspiration vers l'Idéal, mais ils n'empêchent pas Baudelaire, du moins dans l'édition de 1861 des Fleurs du Mal (celle retenue ici), de conclure la section sur l'évocation répétée du Spleen et sur le constat de la défaite de l'Homme face au