Sur la religion
De ceci, la postérité a surtout retenu la dernière phrase : « La religion est l’opium du peuple ». Il s’agit là d’une réduction regrettable qui transforme une pensée en une formule et même en un mot d’ordre. Il convient donc de relire ce court extrait de l’introduction à la Critique de la philosophie politique de Hegel —texte rédigé en 1843— non sous sa forme excessivement tronquée, mais dans la cohérence de l’alinéa cité.
Que signifient ensemble ces trois phrases, que nous apprennent-elles de la conception marxienne de la religion, et quelles interprétations susceptibles de nous livrer plus généralement l’essence du religieux pouvons-nous en proposer ?
1. Préalable méthodologique
Mais d’abord, avons-nous le droit de distinguer la signification de ces phrases des interprétations que nous pouvons en faire ? Donner la signification n’est-ce pas déjà proposer une interprétation ? Il est au moins deux théoriciens pour les pensées desquels il semble légitime de distinguer signification et interprétation : il s’agit de Marx et Freud.
En effet, la philosophie, dans ses productions, peut se représenter comme étant organisée en deux grandes familles. Le groupe des philosophes dits « idéalistes », et celui qui rassemblerait les philosophes dits « empiristes ». Les idéalistes prennent comme point de départ à la construction de leurs systèmes la pensée même : elle est le premier fait constatable et toute chose pensée se soumet à l’ordre de l’entendement pour pouvoir être pensée. Les empiristes posent eux, comme présupposé, que