Oscar Wilde a été fasciné par le mythe grec de Narcisse, rapporté par Ovide dans ses Métamorphoses. La nymphe Liriope met au monde un enfant nommé Narcisse, mais marqué d’un tragique destin : « il vivra vieux, que s’il ne se connaît pas » disait l’oracle. La représentation du moi dans l’unique roman d’Oscar Wilde est l’épiphanie d’une conscience, la construction d’une personnalité. La représentation du moi dans l’œuvre est dynamique, complexe et obéit à un long cheminement comme une maturation spirituelle à la suite d’une initiation. Il sera proposé d’analyser et de cerner les différentes phases de cette représentation du moi en suivant le vécu du héros. Tout d’abord, le moi de Dorian Gray est considéré comme le reflet du regard des autres, puis la révélation du moi dans le tableau que fait de lui le peintre Basil Hallward, et enfin dans un troisième temps, considérons la personnalité double voire multiple du héros, son évolution psychique paradoxale. Cette évolution de l’âme du héros, de sa psyché est une maïeutique douloureuse et tragique qui symbolise bien, dans sa singularité, le paradoxe de l’artiste épris de Beauté idéale.

Le moi de Dorian Gray est le reflet du regard des autres. Sa personnalité paraît faible voire artificielle, portée par les évènements qui exprime un moi passif. Dorian Gray n’est-il qu’un jeune homme héritier d’une fortune considérable qui le met à l’abri du besoin, sans beaucoup d’esprit? On est tenté de le croire. La construction du moi consiste à rechercher les valeurs qui balisent notre vie. L’édification du moi par Dorian Gray se fait par les autres et elle le fait du travail des autres. Dès le début du roman, Dorian Gray est au centre d’un trio, d’une relation triangulaire. D’un côté, le peintre Basil Hallward et de l’autre, l’aristocrate Lord Henry Wotton. Une relation de puissance s’établit entre les trois protagonistes, où la plus forte personnalité va s’imposer aux autres. Le jeune homme paraît bien malléable et influençable,