Theatre l'absurde
Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage, F
Traversé çà et là par de brillants soleils; M
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage, M
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.
Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.
Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur?
— Ô douleur! ô douleur! Le Temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie!
— Charles Baudelaire
Des champ 1. Deux champs lexicaux dominent dans les trois premières strophes :
- le champ lexical du climat : « ténébreux orage ; tonnerre ; pluie ; brillants soleils »,
- le champ lexical du jardin : « jardin ; fruits ; pelle ; râteaux ; terres ; fleurs ; sol ».
Et c’est en utilisant ces deux champs lexicaux que Baudelaire va construire une métaphore filée sur les saisons et le climat qui va occuper les trois premières strophes. On note parmi les termes importants : « orage ; soleil ; tonnerre ; pluie ; jardin ; fruits ; automne ; terres ; fleurs ».
Dans ce sonnet, le temps devient le « Temps ». Analysons, strophe par strophe, le devenir du temps qui est ici (et dans toute son œuvre) considéré comme un « Ennemi ».
La première strophe, Baudelaire l’a écrite au passé : « ne fut », « traversé », « ont fait ». Et pour cause, dans cette strophe, l’auteur parle de son enfance, d’évènements passés. Il utilise les intempéries comme « l’orage » ou encore « le tonnerre et la pluie » pour nous expliquer à quel point son enfance ait été bouleversée. Il y eut cependant « de brillants soleils » qui laissèrent aujourd’hui quelques « fruits vermeils » en son « jardin ». On peut comparer son jardin à sa mémoire et ses fruits à ses souvenirs ou ses œuvres conservées. Dans ce