Candidose

Le désir fit irruption. La Terre trembla, et l’Ordre sur ses frêles arrangements : un ciel apparut, dans sa pauvreté essentielle. Il y eut des étoiles et des vagues, et des flots réguliers. Des fruits enfin s’offrirent aux sexes béants des fleurs ; la Lumière fut, sans que leur chair qui gisait nue s’émeuve de sa crudité. Ils eurent faim. Puis ils s’endormirent. S’éveillèrent corps à corps, se dévorèrent encore, soir et matin, dans l’ombre accueillante du jardin. Elle était si belle qu’il serait mort de la regarder, elle le trouvait si doux qu’elle ne le laissait pas la regarder trop longtemps. Mais l’Ordre exigeait qu’on s’y pliât. Il était l’Ordre. Il fallait que cessent ces étreintes inutiles. Il fallait entretenir son jardin : ne pas marcher sur les pelouses et tailler les chrysanthèmes. Aussi les dieux, chez qui la manie de se mêler de ce qui ne les regarde pas allait devenir coutumière, murmuraient-ils. L’homme et la femme n’en eurent cure. Ils forniquaient parce qu’ils se désiraient, se désiraient encore parce qu’ils forniquaient, et pensaient non sans naïveté que leur désir était dans l’ordre des choses. Bref, ils emmerdaient le Monde, qui s’emmerdait déjà menu. Le Monde chercha donc à les emmerder. Par désoeuvrement surtout, il est vrai : les dieux ont tout leur temps, eux. Aussi le désir leur est-il chose étrangère, et d’autant plus incongrue que leur amour-propre leur interdit la seule pensée de s’annuler en quiconque. Promiscuité répugnante, et seulement surpassée à leurs yeux jaloux par l’idée plus insoutenable encore que l’on se veuille fondre en quelque autre qu’eux. Faute de désir, ils entretenaient donc dévotement leur intérieur : le foyer était bien rangé, et chacun y retrouvait ses biens avec satisfaction. On mettait là la discorde sous le tapis, on se bâfrait ici de rumeur avec délectation, et comme en tout bon voisinage on se comparait pour mieux s’adorer. On faisait de nécessité vertu. Bref, on était