thérèse raquin
Parce qu’il met en scène un revenant dont les fonctions premières sont de « cristallise[r] […] — tel est son destin! — toutes les figures de la marge » (Albert, 1996) et de générer divers degrés de croyance, il amalgame des mondes symboliques antinomiques, mobilisant des cadres conceptuels composites permettant de penser le rapport problématique qu’entretiennent les vivants avec les trépassés. Hantés par le fantôme de leur victime qu’ils ont violemment noyée afin de vivre au grand jour leur passion adultérine, Thérèse et Laurent font l’expérience de la visite du mort. De quelle nature est ce défunt qui revient de l’au-delà ? Système de créances positivistes et naturalistes : l’hallucination Commençons par le système de créances naturalistes relevant d’une cosmologie scientifique de type positiviste, qui est certainement le plus évident. Défendue par l’auteur et le narrateur, la dimension physiologique du détraquement des personnages explique l’apparition de Camille en spectre. Tout le métadiscours bruyant (la préface, l’exergue tiré de Taine, les réponses de Zola dans les journaux) vise à inscrire le fantôme dans une épistémologie savante. Le discours préfaciel est puissant, tranchant et intransigeant, car il s’agit pour le jeune Zola d’instituer le roman naturaliste. Le narrateur n’hésite pas confirmer, en quelque sorte, les propos de son auteur :
« Thérèse, elle aussi, avait été visitée par le spectre de Camille
[…]. Cette communauté, cette pénétration mutuelle est un fait de psychologie et de physiologie qui a souvent lieu chez les êtres que de grandes secousses nerveuses heurtent violemment l’un à l’autre. » (p. 592)3 Mais le roman n’est pas seulement