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[in Spinoza, (Philosophique, revue publiée par la Faculté des Lettres de Besançon), éd. Kimé, 1998, p. 5 -22]
Omnia praeclara tam difficilia quam rara sunt, “Toutes les choses remarquables sont aussi difficiles que rares”. Cette phrase souvent citée, Spinoza l’a placée à la fin de l’ouvrage auquel il a travaillé toute sa vie et dans lequel il a ramassé sous une forme raisonnée l’essentiel de ce qu’il avait à dire en philosophie, l’Ethique, ou plutôt, pour reprendre le début de son titre complet, Ethica ordine geometrico demonstrata, dont se dégage ainsi pour finir le message suivant : les choses qui valent véritablement la peine qu’on se donne en vue de les acquérir sont précisément inséparables de cette difficulté qui fait tout leur prix, car leur importance découle de leur exceptionnelle rareté. Et c’est pourquoi, poursuit Spinoza, la “voie” (via) de la libération, telle que l’indique la vraie philosophie, est “extrêmement ardue” (perardua), ce qui ne signifie pas pourtant qu’elle soit impossible à découvrir ; mais, pour y parvenir, il faut s’en donner les moyens, c’est-à-dire s’engager dans le processus dont l’ouvrage de Spinoza décrit les successives étapes, afin de parvenir enfin au but, qui est l’atteinte d’une vie meilleure.
On pourrait penser en conséquence qu’au nombre de ces choses remarquables qui sont aussi difficiles que rares, il y a précisément l’Ethique de Spinoza, ce grand livre de la philosophie que l’aridité de son exposition paraît rendre au premier abord inaccessible, du moins sans une préparation appropriée, mais que le fait même qu’il se dérobe à une lecture de première vue rend plus intéressant encore, un peu à la manière dont les choses qui se font désirer n’en paraissent que plus désirables. En effet, si étonnant que cela puisse paraître, l’Ethique se lit, se consomme et se pratique sur fond de désir, la catégorie de désir étant elle-même centrale à la philosophie dont cet