Valery vu par thibaudet
HIBOUC 2007 www.hibouc.net L'œuvre proprement technique, le travail professionnel de la critique, consistent à établir des « suites » d'écrivains, à composer des familles d'esprits, à repérer les divers groupes qui se distribuent et s'équilibrent dans une littérature. Evidemment le génie qui naît, qui se produit, et qui produit, implique d'abord une différence, une rupture avec tout le reste : condition de son originalité, c'estàdire en somme de son être. Mais l'œuvre une fois née, une fois grandie, une fois imitée, une fois critiquée, peut être classée dans une série, être pensée dans un ordre littéraire, dans une famille, avec des ascendants et des descendants. La critique suppose, développe, révèle cet ordre. Si un écrivain a jamais semblé un aérolithe singulier, tombé dans une langue et dans une littérature auxquelles sa tournure d'esprit, de parole, de syntaxe semblait, au premier abord, étrangère, c'est bien Mallarmé.
Calme bloc icibas chu du désastre obscur.
Et pourtant, quand j'ai écrit un gros livre sur Mallarmé, je pensais moins l'étudier en luimême qu'en fonction de cet être réel, de cette idée dynamique qu'est la littérature française. Il m'intéressait moins comme individu que comme pointe extrême de la poésie française dans une de ses directions de logique et de vie. La page sur laquelle il avait pensé et travaillé, espéré et désespéré, triomphé et souffert, elle me paraissait bien une des pages utiles et normales d'une littérature. La valeur d'une de ces pages, d'un de ces écrivains, se prouve par son contexte, par la page suivante qu'elle comporte, par la phrase qui répond ailleurs, comme dans un dialogue indéfini, à l'interrogation qu'elle avait formulée. L'œuvre de Paul Valéry contribue aujourd'hui à nous prouver l'existence de ce dialogue. La question