Venus
Suivant un regard descendant, Rimbaud insiste sur une description quasi clinique de ce corps nu qui ne peut que susciter la répulsion du lecteur.
La laideur domine le premier tercet : tous les sens y semblent convoqués pour dire la monstruosité et la répulsion : vue, goût et odorat se conjuguent.
Dans le dernier tercet le prosaïsme cède la place à l'obscénité. Le verbe « remue » et les termes « large croupe » évoquent une monstrueuse danse érotique.
L'image de l'ulcère à l'anus est choquante pour le lecteur par son caractère scatologique et l'évocation de certaines pratiques sexuelles qu'il suppose.
Le désir de provoquer atteint son paroxysme avec la rime finale « Vénus » / « anus » qui allie le sacré et le profane, le sublime et la laideur.
B - L'invitation à une autre poésie
La laideur qui l'emporte sur le moindre indice de beauté et le prosaïsme (=ce qui est plat et sans noblesse) de certains termes semble faire de ce sonnet un texte a-poétique en apparence.
Mais cette vision est mise à mal implicitement par Rimbaud dans le premier tercet. Dans l'expression « horrible étrangement » (vers 10), mise en relief par la coupure à l'hémistiche et par l'enjambement du vers 9 sur le vers 10, le terme étrangement semble s'appliquer au portrait de la Vénus (décalage entre l'attente du lecteur et le portrait fait par Rimbaud). Mais le terme étrangement peut également se lire comme une invitation à une relecture du poème. Le « tout » peut en effet renvoyer au poème lui-même. De la même façon, le terme « singularités » (vers 11) peut renvoyer à la description de la femme mais aussi aux étrangetés de ce sonnet. Plus que les difformités de la Vénus, ce sont les originalités du poème qu'il faut examiner « à la loupe ». L'injonction « il faut » (vers 11) invite le lecteur à lire cette poésie au delà des apparences premières du langage. Elle l'invite à y déceler un lyrisme de la laideur, une laideur transcendée par le traitement