L’absurde, c’est le divorce entre l’homme et le monde ».
Albert Camus
Peut-on vivre dans un monde absurde ? Le fait est qu’à bien des égards nous sommes en train de vivre dans un monde absurde. Car comment qualifier autrement un monde où l’on continue à s’égorger au nom d’un Dieu de bonté et où la moitié de la richesse totale est possédée par moins de 100 personnes pour s’en tenir ces deux exemples? Il faudrait en effet être doté d’une sacrée dose de mauvaise foi pour nier le caractère absurde du monde actuel. Aussi, les plus pessimistes parlerons plutôt de survie que de vie dans un tel monde.
A l’image d’Albert Camus je ne partage pas cette option pessimiste et j’ose affirmer avec lui qu’il est en effet possible de vivre dans un monde absurde et même d’y vivre pas si mal ! A la fin de son célèbre essai philosophique Le mythe de Sysiphe, Camus écrit qu’il faut imaginer Sysiphe heureux. Pourtant, sa condamnation à pousser un rocher sur le sommet d’une montagne pour le voir aussitôt dévaler la pente est l’image même de la tâche répétitive absurde que connaissent de nombreux travailleurs d’aujourd’hui. La thèse un peu provocante de Camus est admirablement illustrée dans son roman L’étranger où François Meursault prend conscience de son bonheur passé après avoir expérimenté l’absurdité de son crime et de son procès. Si l’on réfléchit un peu à l’excellente définition de l’absurde donnée par Camus, on comprend pourquoi l’absurde n’est pas incompatible avec le bonheur. Camus nous révèle que l’absurde c’est précisément l’état séparation d’avec un monde qu’implicitement nous jugeons absurde. C’est un peu comme si l’être humain se réfugiait dans son micro-monde plus ou moins confortable pour échapper aux turpitudes du grand monde. Meursault est heureux tant qu’il vit dans sa bulle loin des agitations du monde. Mais dès que le monde le rattrape à travers son meurtre, sa vie bascule dans le malheur. De ce point de vue, on pourrait faire l’apologie de l’absurde en en