L'ecole de contingence et des mesures quantitatif
1L’approche quantitative a mauvaise presse en histoire de l’art. Au mieux on l’ignore, et plus généralement on lui reproche de vouloir mettre la beauté en équations ; d’y échouer bien sûr, lamentablement. On l’accuse d’oublier les œuvres ou, pire, de les réduire à des objets comptables comme le serait une marchandise sur le rayon d’un supermarché. Position étonnante : les défenseurs du style et du génie semblent oublier que l’histoire de l’art et celle de la littérature furent parmi les premières disciplines à disposer de gisements de sources facilement quantifiables – catalogues d’éditeurs, de bibliothèques, de librairies, répertoires de collections, catalogues d’expositions et de ventes... Il serait fort dommage de n’en rien faire.
2Pourquoi les statistiques, les graphiques et les cartes ne sont-ils pas aimés en histoire de l’art ? Les approches quantitatives dans ce domaine, pour l’essentiel importées de la sociologie, portent probablement la macule de la discipline de Durkheim : réductionnisme, incapacité à rendre compte des œuvres, approche trop centrée sur les stratégies, le marché, l’argent, le collectif et la norme, alors que l’art et la création sont inséparables du désintéressement, des sacrifices, de l’individualité, du génie, et que le rôle de l’historien de l’art est de reconstituer des styles, de rendre compte de la valeur de l’art et des œuvres exceptionnelles. * 1 . Roche, D., 1986, p. 5.
3Mais faut-il réduire le quantitatif à de la sociologie, et réduire la sociologie à une version simpliste des sociétés et de la culture ? Les approches quantitatives sont-elles nécessairement réductionnistes, indifférentes aux spécificités de l’objet ? Le débat entre « ceux qui raisonnent sur le message des astres et ceux que fascine la musique des nombres », comme les désignait avec humour Daniel Roche en 19861, est non seulement vain et usé, mais aussi plus complexe qu’il n’y paraît. La