L'avare analyse
Qu'il faut nettoyer mon carrosse, et tenir mes chevaux tous prêts pourconduire à la foire...Maître JacquesVos chevaux, Monsieur ? Ma foi, ils ne sont point du tout en état demarcher. Je ne vous dirai point qu'ils sont sur la litière, les pauvres bêtesn'en ont point, et ce seroit fort mal parler ; mais vous leur faites observerdes jeûnes si austères, que ce ne sont plus rien que des idées ou desfantômes, des façons de chevaux.HarpagonLes voilà bien malades : ils ne font rien.Maître JacquesEt pour ne faire rien, Monsieur, est−ce qu'il ne faut rien manger ? Il leurvaudroit bien mieux, les pauvres animaux ; de travailler beaucoup, demanger de même. Cela me fend le coeur, de les voir ainsi exténués ; carenfin j'ai une tendresse pour mes chevaux, qu'il me semble que c'estmoi−même quand je les vois pâtir ; je m'ôte tous les jours pour eux leschoses de la bouche ; et c'est être, Monsieur, d'un naturel trop dur, que den'avoir nulle pitié de son prochain.HarpagonLe travail ne sera pas grand, d'aller jusqu'à la foire.Maître JacquesNon, Monsieur, je n'ai pas le courage de les mener, et je ferois consciencede leur donner des coups de fouet, en