L.a l'huitre et les plaideurs.
La Fontaine se propose ici de faire une archéologie critique de la justice qu'il oriente, comme à son habitude et pour éviter toute pesanteur intellectuelle, dans une perspective ironique.
I- LA STRUCTURE DE LA FABLE
Le récit et la moralité
La fable a la forme d'un récit qui illustre une moralité finale, laquelle se présente, à travers sa généralisation (« plaider aujourd'hui », v. 22), comme une leçon. On reconnaît les marques habituelles de la moralité: le Je du fabuliste implicite ment présent dans le Vous qui désigne son lecteur-interlocuteur; présence des généralisants; symétrie des termes qui relèvent du ton sentencieux ou proverbial. Plus spécifiquement on notera le présent associé au futur dans une logique de l'expérience que le lecteur est appelé lui-même, de manière pratique, à mettre en œuvre (Mettez / Comptez / Vous verrez). Le régime du récit est marqué dès le début de la fable par le circonstant « Un jour » qui fixe l'action dans un temps indéfini; néanmoins le récit s'engage au présent, ce qui permet de donner à la scène une dimension très visuelle. On peut distinguer trois moments dans le récit: le premier moment (v. 1-4) situe les personnages lorsque l'objet du litige apparaît. Le second moment (v. 5 14) développe la contestation; le troisième moment (v. 15-21) est marqué par 1'arrivée de Perrin Dandin; sa présence solennelle met fin à la contestation aux dépens des deux pèlerins.
Le rôle des discours
Un échange de paroles au discours direct domine la partie centrale de la fable. La parole vient relayer une première attitude où apparaissait la force physique et c'est précisément celui qui « pousse » son compagnon qui prend le premier la parole: la violence première se dilue alors dans la parole sans fin, qui est une autre forme de violence. Il s'agit de savoir qui a vu le premier l'huître. Enfin l'anonymat des personnages maintenu par le narrateur du récit (l'un/l'autre, son compagnon, l'autre) indique leur