L’etat et la mondialisation
LA PARTICIPATION DENATIONALISEE1
PAR
SASKIA SASSEN2 L’étude qui suit se propose d’étudier les différentes manières à travers lesquelles l’Etat continue d’influencer et de modeler l’économie mondiale en dépit d’un contexte caractérisé de plus en plus par les phénomènes de dérégulation et de privatisation, ainsi que par l’autorité croissante d’acteurs étrangers à l’Etat. L’hypothèse-clef ici développée, fondée sur une étude précédente portant sur les villes mondiales (2001), repose sur l’idée que le phénomène de mondialisation est largement incorporé à l’intérieur du territoire national – c’est-à-dire au sein d’une entité géographique définie par un ensemble de systèmes de lois et de capacités administratives nationales. Cette «incrustation» de la mondialisation exige que les systèmes nationaux soient au moins en partie adaptés, ce qui rend inévitablement nécessaire une certaine participation de l’Etat, même si celle-ci doit impliquer son retrait par rapport à la régulation de sa propre économie nationale. Une telle participation peut-elle entraîner l’émergence d’un type particulier d’autorité ou de pouvoir de l’Etat au niveau des systèmes mondiaux – à la fois pour l’Etat en tant que tel et pour les institutions étatiques plus directement concernées? Le rôle que jouent les acteurs privés, souvent étrangers, dans cette activité de l’Etat ne devient-il pas lui-même constitutif de cette autorité, allant jusqu’à produire un pouvoir hybride qui ne saurait être ni entièrement privé, ni entièrement public? La thèse ici développée est que l’on peut en effet observer l’émergence de plus en plus apparente d’un type d’autorité et de pratique étatiques impliquant la dénationalisation partielle de ce qui a été édifié historiquement sur des bases nationales. Cette dénationalisation est constituée de plusieurs processus spécifiques, notamment la réorientation d’agendas nationaux vers des agendas «mondiaux», ainsi que la mise en avant d’objectifs et