2_6 7_1 11_La_Blanche_neige_d Apollinaire_RICHTER
par Mario RICHTER
Ils chantaient de vieux airs de France
Anciens noëls ou chansons de mer…
(Apollinaire, «La Noël des milords»)
Il est des poèmes d'Alcools qui, comme «La Blanche neige», semblent se livrer avec une sorte d'innocence facile, presque élémentaire, où le chant populaire côtoie docilement des images anodines.
En vérité, comme chacun sait désormais depuis longtemps, rien n'est simple dans la poésie apollinarienne. Il suffit de creuser un peu pour se trouver bientôt dans un réseau extrêmement complexe de rapports, de «correspondances», d'allusions subtiles et secrètes. On se rend compte alors que l'on suit effectivement, dans le labyrinthe d'Alcools, le «fil d'Ariane» - comme l'a si bien vu Philippe Renaud - «d'un rêve dominé par 1'amour, mort» (1). Et voilà que reviennent à l'esprit des vers de «La Maison des morts» qui semblent pour cela éminemment révélateurs:
Des enfants
De ce monde ou bien de l'autre
Chantaient de ces rondes
Aux paroles absurdes et lyriques
Qui sans doute sont les restes
[1]
Des plus anciens monuments poétiques
De l'humanité
Ce sont: précisément ces rondes/ Aux paroles absurdes et lyriques, ces restes /Des plus anciens monuments poétiques/De l'humanité qui m'ont poussé à reprendre ici l'analyse «La Blanche neige», le petit poème qui a paru pour la première fols dans Alcools (où il occupe la quinzième place) et qui a déjà attiré l'attention de quelques critiques (2).
Commençons par observer que le titre joue un rôle déterminant pour nous faire prendre la bonne direction. Tel qu'il est formulé, il nous évoque d'emblée non seulement une expression toute faite liée à la tradition des contes de fées (3), mais aussi certains titres caractéristiques des chansons populaires, des rondes, etc.
Nous sommes ainsi introduits, avant même de commencer à lire le poème proprement dit, dans une aura caractérisée par deux éléments principaux: le merveilleux et le chant, tous deux imprégnés, si l'on peut dire, du