2004 F Julien Traite Efficacite
ET MATRICE CULTURELLE CHINOISE
Réflexions autour du TRAITÉ DE L’EFFICACITÉ de
François JULLIEN
La période des Royaumes combattants, entre le Vè siècle et le IIè siècle avant Jésus-Christ
- période pendant laquelle les Princes s’entouraient massivement de spécialistes des « choses de la guerre » - correspond à l’apogée de la réflexion stratégique en Chine, car celle-ci s’avérait vitale pour l’Etat1. Certains considèrent même, dans le domaine de l’art de la guerre, qu’après cette période relativement riche, les avatars ultérieurs de la réflexion stratégique en Chine, ne sont que des adaptations tactiques inspirées par l’évolution des techniques et des menaces. Dans cette optique, le récent ouvrage La Guerre hors limites2 des deux officiers de l’armée de l’air chinoise,
Qiao Liang et Wang Xiangsui, serait une relecture moderne de L’art de la guerre ou des 36
Stratagèmes.
Selon la définition qu’en donne Sun Zu dans le chapitre IV de son Art de la Guerre, la stratégie va des « mesures » aux « capacités », capacités qui elles-mêmes engendrent les
« calculs » puis les « évaluations » qui mènent à la victoire. Ceci montre bien que si les Chinois, bien avant les Occidentaux, ont cherché à « penser » la stratégie, ils ne se sont que peu penchés sur la définition précise du concept lui-même.
En effet, la stratégie, ou l’art de la guerre, est avant tout une pratique, qui s’appuie sur la ruse, les stratagèmes ou les détours, parfois considérés dans les pratiques commerciales contemporaines comme « immorales » ou déloyales, mais bien souvent légales et efficientes. La stratégie désigne donc d’une manière très large l’ensemble des moyens mis en œuvre afin de créer les circonstances de la victoire après avoir analysé la nature de l’ennemi, de manière à obtenir un avantage maximum pour un coût minimum.
Cette réflexion stratégique a en somme conduit à considérer la guerre, non plus comme un combat entre princes ou Etats régie par des règles ou un code de