Agonie ou renaissance de la civilisation européenne
“ L’Europe deviendra-t-elle ce qu’elle est en réalité, c’est-à-dire : un petit cap du continent asiatique ?”
(Paul Valéry, Variété 1 -1924)
“Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles”. Cette phrase, oh combien célèbre, débute le texte “Variété I”, dans lequel, quelques pages plus loin, Valéry se demande si l’Europe va conserver sa prééminence mondiale dans tous les domaines ou occupera la place que la géographie lui assigne : “ un petit cap du continent asiatique”. La barbarie de la première guerre mondiale n’a pas seulement fauché des millions de jeunes hommes, y compris ceux qui par leur talent participaient au prestige universel de l’Europe, mais a remis fondamentalement en cause les valeurs humanistes qui éclairaient jusqu’alors tous ceux qui dans le monde souhaitaient, par la raison et le respect de l’individu, s’engager dans l’aventure du progrès humain. Pour Valéry, il ne faut ni désespérer, ni espérer, mais comprendre. Cette interrogation se veut bien davantage un réveil de l’esprit européen qu’une prévision pessimiste. Comprendre ce qui a fait que ce continent exigu a généré une civilisation servant de référence universelle et ce qui peut faire craindre qu’elle ne finisse plus par n’être qu’un petit territoire regroupant une population ne se distinguant du reste du monde que par sa faiblesse numérique.
La même question est posée aujourd’hui, et, ironie de l’Histoire, au moment où tous les regards, inquiets ou fascinés, se tournent vers l’Asie. Nous nous la poserons donc de la même façon, d’abord en tentant de comprendre ce qui a donné ce lustre universel à la civilisation européenne et ensuite ce qui peut faire craindre sinon sa décadence du moins sa banalisation.
L’Europe, moteur de l’histoire mondiale.
Une telle formule pourrait être prise à la fois comme une ânerie -toutes les civilisations ont une histoire propre, entre autres avant que l’Europe ne les