Carlo Goldoni,
Arlequin serviteur de deux maîtres. ( 1753)

Arlequin. -Assez, assez ! Par pitié ! ( Il se penche en avant en se tenant le ventre. )
Béatrice. -Tiens, coquin ! Ca t'apprendra à ouvrir mes lettres. (elle jette la batte sur sol et sort )
Arlequin, - Une fois Béatrice disparue. - Nom d'un petit bonhomme! saperlipopette! corpleu! morbleu! ventrebleu! C'est comme ça qu'on traite un homme de ma sorte ? Battre queqlqu'un comme moi ? Les serviteurs, quan ils ne font pas bien leur services, on les chasses mais on ne les bats point! ( levant le poing vers le ciel et prenant un ton aggressif )
Florindo, -Qui est sorti de l'hotellerie sans être vue d'Arlequin. -Qu'est-ce que tu marmonnes ? ( fronssant les sourcil, et tournant autour du serviteur )
Arlequin, Voyant Florindo, à part. -Gare! ( Criant dans la direction par où est sortie Béatrice :) On ne bat pas ainsi le serviteur d'autrui! C'est un affront que vous avez fais à mon maître!
Florindo, - Oui, c'est un affront qui m'est fait. Qui est celui qui t'a battu? ( prennant Arlequin sous son bras )
Arlequin. - Je ne sais pas, monsieur. Je ne le connais pas. ( avec un sourir narquois, marchant avec son maître )
Florindo. - Pourquoi t'a-t-il battu ?
Arlequin. -Parce que ... Parce que j'avais craché sur son soulier. ( baissant les yeux )
Florindo. -Et tu te laisses battre ainsi ? Sans broncher, sans même essayer de te défendre? Et tu exposes ton maître à un tel affront, à une telle insulte? (Ramassant la batte) : Espèce d'âne, poltron que tu es! Puisque tu aimes être battu, je vais te satisfaire, je vais te battre, moi aussi. ( Il le roue de coups et puis rentre dans l'hôtellerie.)
Arlequin. - A présent, je puis dire que je suis bien le valet de deux maître. J'ai eu mon salaire de l'un et de l'autre. ( Il entre dans