Analyse Candide Ch23
Ce qui frappe toujours chez Voltaire, c'est la légèreté, la neutralité apparente du ton, qui fait penser à un reportage. L'expression "une multitude de peuple" ligne 12, a une valeur d'hyperbole qui insiste sur la densité de la foule durant cette réunion. Le choix du mot "peuple" au singulier fait penser à une espèce d'unanimité de la population assistant à l'évènement dont le lecteur ignore encore la nature. Sur le port, on assiste aux arrivées des bateaux mais l'attitude de la foule "regardait attentivement" ligne 2, souligne une certaine concentration ce qui fait penser à un spectacle. Tous les regards convergent vers le "tillac" ligne 3. Les personnages de cette scène sont "quatre soldats" ligne 4 et un "gros homme qui était à genoux" ligne 3. L'impression de spectacle subsiste avec l'emploi des termes techniques "tillac", "vaisseaux" ligne 3 et 4, ce qui accentue également la neutralité du ton.
Le premier indice qui fait penser à un disfonctionnement est le fait que le personnage qui est au centre de l'attention a les yeux bandés, il ne voit donc pas ce qu'il se passe. La "cérémonie" ligne 9, est très brève, comme l'indique le passé simple "tirèrent" ligne 5. Là encore, le ton reste détaché car le lecteur procède lui-même à une multiplication, un calcul du nombre de balles reçues: soit 12 au total. Il n'y a aucune compassion apparente du narrateur. Les balles sont destinées au "crâne" ligne 5, ce qui est donc un terme anatomique, étranger à toute compassion. Le choix du mot "crâne" déshumanise la victime. Voltaire, fidèle à son style, multiplie les détails et apporte des précisions apparemment inadaptées au drame qui se joue, attendant du lecteur qu'il confronte lui-même les faits et le ton, et qu'il ressente donc l'indignation légitime que cette exécution capitale suppose. L'attitude des bourreaux avec le superlatif "le plus paisiblement du monde" lignes 5 et 6, et celle de la foule avec l'hyperbole "s'en retourna