Anthologie de poème du xixème, xxème et xxième
Thème : Les paysages
Citation :
« Le fleuve est pareil à ma peine Il s'écoule et ne tarit pas. » Guillaume Apollinaire
« Partons, dans un baiser, pour un monde inconnu. » d'Alfred de Musset
XIX
Romances sans paroles, Paul Verlaine (1874)
Ô la rivière dans la rue !
Ô la rivière dans la rue !
Fantastiquement apparue
Derrière un mur haut de cinq pieds,
Elle roule dans un murmure
Son onde opaque et pourtant pure,
Par les faubourgs pacifiés.
La chaussée est très large, en sorte
Que l'eau jaune comme une morte
Dévale ample et sans nuls espoirs
De rien refléter que la brume,
Même alors que l'aurore allume
Les cottages jaunes et noirs.
Bruxelles - 2
L'allée est sans fin
Sous le ciel, divin
D'être pâle ainsi !
Sais-tu qu'on serait
Bien sous le secret
De ces arbres-ci ?
Des messieurs bien mis,
Sans nul doute amis
Des Royer-Collards,
Vont vers le château.
J'estimerais beau
D'être ces vieillards.
Le château, tout blanc
Avec, à son flanc,
Le soleil couché.
Les champs à l'entour...
Oh ! que notre amour
N'est-il là niché !
Le beau jardin fleuri de flammes, Emile verhaeren
(1891)
Le beau jardin fleuri de flammes
Qui nous semblait le double ou le miroir
Du jardin clair que nous portions dans l'âme
Se cristallise en gel et or, ce soir.
Un grand silence blanc est descendu s'asseoir
Là-bas, aux horizons de marbre,
Vers où s'en vont, par défilé, les arbres
Avec leur ombre immense et bleue
Et régulière, à côté d'eux.
Aucun souffle de vent, aucune haleine.
Les grands voiles du froid
Se déplient seuls, de plaine en plaine,
Sur des marais d'argent ou des routes en croix.
Les étoiles paraissent vivre.
Comme l'acier, brille le givre,
A travers l'air translucide et glacé.
De clairs métaux pulvérisés
A l'infini semblent neiger
De la pâleur d'une lune de cuivre.