Aragan
L'évocation des yeux
Les deux poèmes sont des "blasons" : ils célèbrent les yeux de la femme aimée, comme métonymie de la personne toute entière. Mais leur approche diffère : Aragon, fasciné par la couleur exceptionnelle des yeux d'Elsa Triolet, insiste sur des images évoquant la couleur ou l'éclat : "l'océan troublé", "bleu", "azur", "prisme des couleurs", "iris troué de noir plus bleu d'être endeuillé", métaphore du "manteau de Marie" évoquant le bleu profond des peintures de la Renaissance, "lavande" et même l'éclat bleuâtre du "radium"... Le bleu est décliné de toutes les manières possibles, tandis que la lumière, l'éclat caractérisent également ce regard : "soleils", "clairs", "luit", "lumière mouillée", "millions d'astres", "étoiles filantes", et enfin les deux derniers vers dans lesquels les yeux d'Elsa, en un magnifique trimètre romantique, constituent la seule lumière d'un monde naufragé.
Eluard, quant à lui, s'intéresse davantage à la forme : "courbe", "rond", "auréole", "nid"...
Mais les deux poètes se rejoignent : pour tous deux, le monde entier "dépend de [tes] yeux purs..."
Au travers des yeux, on peut distinguer une image de la femme ; là encore, les deux poètes diffèrent. Eluard multiplie les images maternelles et pures – présentes aussi chez Aragon, au travers de la figure de Marie –