Aristote et l'ordre politique
Si l’on entend par « monde » (cosmos), l’unité d’une multiplicité d’éléments, unité résultant du concours à une fin commune d’une pluralité de parties, spécifiquement différentes, d’un tout, on peut appeler « mondes » le Ciel1, bien sûr, mais aussi les êtres vivants2 et les constitutions politiques3. Qu’est-ce qui fait la spécificité du monde politique ? Ni l’ordre du ciel, ni la « nature » ne peuvent fournir un modèle ou une norme auquel l’ordre politique devrait se conformer. Il ne se fonde que sur le pouvoir humain de délibérer et d’agir, ou, si l’on veut, sur des décisions4.
A/ Politique et cosmologie.
Contrairement à ce que soutiennent Ferry et Renaut5, on peut dissocier la philosophie politique d’Aristote de sa cosmologie. On peut s’appuyer, pour cela, sur la différence d’objet et de méthode de la science théorétique (dont relève la théorie du Ciel) et du savoir pratique (la phronèsis), dont relèvent l’éthique et la politique. Cf. Ethique à Nicomaque, VI 3 et 5 (science et prudence) ; VI 7 (la science d’Anaxagore et de Thalès est sans utilité dans les affaires humaines) ; VI 13 (début). Sur cette indépendance de l’éthique aristotélicienne par rapport à sa cosmologie, voir récemment R. Brague, La sagesse du monde, p. 223-224 (et p. 371, note 147).
B/ Politique et nature.
Si la politique n’a pas à prendre le monde comme modèle, il est impossible, en revanche, de nier l’importance de la référence que fait Aristote à la nature6, dans l’ensemble de sa philosophie morale et politique (cf. Pol. I, et la définition de l’homme comme animal politique « par nature » ; cf. EN V 10 : le droit naturel et le régime le meilleur « par nature »). Mais la notion de « nature », telle qu’Aristote la conçoit, ne peut pas plus servir de norme ou de modèle à « suivre » (encore moins est-elle « une prison dont on ne saurait s’évader »7) 1/ La « nature » politique de l’homme
Mais non l’ensemble constitué par le Ciel et la Terre, et encore