Art contemporain
Analyse · oeuvre · célèbre · 12-2009
Rouge, blanc et brun (1957)
A partir de 1950, Rothko ne réalise que des toiles offrant, en guise de composition, une superposition de formes rectangulaires. Seules changent les dimensions de ces rectangles, leurs couleurs et les relations qu'ils entretiennent avec le fond où ils s'inscrivent. La peinture semble ainsi réduite à la répétition d'une formule et à la mise au point de ses variantes plus ou moins prononcées, mais pour le peintre elle ouvre la possibilité d'une exploration de son art qui est aussi exploration de son propre moi. Les couleurs, l'importance des formes, leur plus ou moins forte insistance dépendent de ses états subjectifs et élaborent la révélation progressive d'un "non-moi" ayant sans doute plus de prix que la subjectivité : "Je ne m'exprime pas moi-même dans ma peinture, a-t-il souligné, j'exprime mon non-moi." D'où un certain anonymat de la facture, ou du moins son absence de personnalisation : la peinture est légère, sans effets expressifs, sans gestualité ou giclures comme pour indiquer un parti pris d'humilité. Peindre est pour Rothko l'exercice d'une tension vers ce qui le dépasse, ou l'enrobe, que l'on peut nommer, au choix, transcendance ou néant. Si le choix des couleurs qu'il utilise sur chaque toile est bien lié à des déterminations subjectives, le spectateur ne peut que deviner ou admettre l'existence de ces déterminations, sans les préciser davantage. Ce qu'il accueille par contre, c'est l'ambiance générale de la toile, ses effets visuels, sa résonance spirituelle. Le brun, le rouge orangé et le blanc, déposés en plages vaporeuses et comme marbrées, sont ici travaillés de façon à ne susciter aucun effet de profondeur, aucun mouvement sur la surface, qui affirme une stabilité totale. Aucune forme n'est franche : les bords imprécis communiquent avec de discrets encadrements rouges qui gagnent en intensité en se