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Objet d'étude : Du côté de l'imaginaire
Texte 1
Dorian Gray est un jeune et riche héritier dont la compagnie est très recherchée dans la société bourgeoise londonienne du XIXe siècle. Le peintre Basil Hallward, fasciné par la très grande beauté du jeune homme, en a fait le portrait.
Comme il tournait la poignée de la porte, son regard tomba sur le portrait que Basil
Hallward avait peint de lui. Il eut, comme étonné, un mouvement de recul. Puis il entra dans sa chambre, semblant toujours perplexe. Ayant retiré la fleur de sa boutonnière, il sembla hésiter. Enfin il retourna examiner le tableau. Dans la lumière terne, atténuée, qui arrivait à filtrer à travers les persiennes de soie de couleur crème, le visage lui parut un peu modifié.
L’expression paraissait différente. On eût cru qu’il y avait une ombre de cruauté dans la bouche. Eh oui, c’était bizarre.
Il fit volte-face, alla à la fenêtre et ouvrit la persienne. L’aube claire envahit la pièce, balaya les ombres fantastiques, les repoussant dans les coins ombreux où elles s’entassèrent en tremblant. Mais l’expression étrange qu’il avait remarquée sur le visage du portrait y demeura et sembla même s’intensifier. Le soleil qui palpitait et ardait1 lui montra les rides de cruauté qui entouraient la bouche aussi clairement que s’il s’était regardé dans un miroir après avoir fait quelque chose d’affreux.
Il tressaillit, et prenant sur la table une glace ovale encadrée de cupidons2 d’ivoire, un des nombreux cadeaux que Lord Henry lui avait faits, il en scruta à la hâte les profondeurs polies. Aucune ride de ce genre ne déformait ses lèvres rouges. Qu’est-ce que cela signifiait ?
Il se frotta les yeux, vint tout près du tableau et l’examina de nouveau. On ne voyait aucun changement dans la peinture elle-même, et pourtant l’expression en avait été indubitablement3 altérée4. Ce n’était pas lui qui imaginait des choses. C’était terrible à voir.
Il se jeta dans un fauteuil et médita.