Bah titdiany
Le roi d'Irlande a envoyé à Marc, roi de Cornouaille, un chevalier géant, le Morholt, que nul n'a jamais pu vaincre en Bataille. Le Morholt vient réclamer le tribut1 dû par la Cornouailles à l'Irlande, trois cents jeunes garçons et trois cents jeunes filles. Le roi Marc a convoqué à sa cour tous les barons de sa terre pour prendre leur conseil. Au terme marqué, quand les barons furent assemblés dans la salle voûtée de son palais, et que Marc se fut assis, le Morholt parla ainsi : « Roi Marc, mon seigneur le roi d'Irlande t'ordonne de me livrer en ce jour trois cents jeunes garçons et trois cents jeunes filles, de l'âge de quinze ans, tirés au sort parmi les familles de Cornouailles. Ma nef2 les emportera pour qu'ils deviennent nos serfs3. Pourtant, si quelqu'un de brave veut combattre pour affranchir4 son pays, j'accepterai son gage5. »
Les barons se regardaient entre eux à la dérobée, puis baissaient la tête. Celui-ci se disait :
« Vois, malheureux, la stature6 du Morholt d'Irlande; il est plus fort que quatre hommes robustes. Regarde son épée : ne sais-tu point qu'elle a fait voler la tête des plus hardis champions7, depuis tant d'années que le Ie roi d'Irlande envoie ce géant porter ses défis par les terres vassales ? Chétif, veux-tu chercher la mort ? A quoi bon tenter Dieu ? »
Cet autre songeait :
« Vous ai-je élevés, chers fils, pour ces besognes de serfs, et vous, chères filles, pour celles de servantes ? Mais ma mort ne vous sauverait pas. »
Et tous se taisaient.
Le Morholt dit encore :
« Lequel d'entre vous, seigneurs cornouaillais, Veut prendre mon gage ? Je lui offre une belle bataille, Car à trois jours d'ici, nous gagnerons sur des barques l'île Saint Samson au large de Tintagel. Là, votre chevalier et moi, nous combattrons seul à seul, et la louange d'avoir tenté la bataille rejaillira sur toute sa parenté ».
Ils se taisaient toujours, et le Morholt ressemblait au