Beau, beauté voltaire
Voltaire oppose la philosophie pratique à la philosophie spéculative. Si la première peut nous aider à vivre, la seconde est stérile. Voltaire a repris cette condamnation dans une œuvre aussi célèbre que Candide. Candide dénonce les méfaits de l’optimisme non seulement parce que le monde est habité par un mal universel et généralisé, mais aussi parce que cette approche philosophique ne considère pas la réalité, elle conduit l’homme à sa perte en l’égarant dans ses divagations, le « galimatias » des philosophes philosophant. Le philosophe des Lumières entend s’appuyer sur la raison, vertu essentielle, dont la première signification est bon sens, appréciation correcte de la réalité, goût du concret. Notons comment Voltaire égratigne Platon, grand philosophe idéaliste, en critiquant son style imagé.
De Descartes à Voltaire, le rationalisme philosophique tend à faire du jugement sur le beau et du beau lui-même un produit de la subjectivité ; et cette subjectivité engendre nécessairement un relativisme infini qui n’anéantit pas seulement toute objectivité possible du beau mais le ravale également au rang d’illusion. Dès le XVIIe siècle, avant même que naisse l’esthétique comme discipline philosophique, son concept le plus essentiel est ainsi déjà très largement invalidé au nom de la rationalité philosophique. Voltaire formule implicitement la thèse que la notion de beauté est dépendante du contexte socioculturel, de l’époque, nous n’aimons que ce que nous connaissons, que ce qui nous ressemble.
Chez Voltaire, la subjectivité du sentiment de plaisir se meut en relativisme radical : « Demandez à un crapaud ce que c’est que la beauté, le grand beau, le to kalon ? Il vous répondra que c’est sa crapaude avec des gros yeux ronds sortant de sa petite tête […] Consultez enfin les philosophes, ils vous répondront par du galimatias ; il leur faut quelque chose de conforme à l’archétype du beau en essence, au to