Benveniste, le « je » et la langue
Émile Benveniste à la « subjectivité dans le langage » a fait époque. Au sein des sciences du langage l’analyse des « déictiques », ces éléments linguistiques qui réfèrent à la situation spatio- temporelle des locuteurs, est ainsi restée fameuse tandis que les hypothèses de Benveniste quant à la détermination de notre subjectivité par la langue ont essaimé au-delà des strictes frontières disciplinaires, inspirant Jacques Lacan, Roland Barthes ou Michel Foucault, démonstration en acte de l’opérativité des instruments d’une linguistique rognant avec avidité sur le domaine de la philosophie dont les sciences humaines triomphantes disputent alors avec vigueur l’empire intellectuel. C’est en effet dans l’horizon ouvert par le cogito cartésien que le propos de Benveniste trouve son plein écho, sonnant comme le tocsin de toute une tradition de pensée où le sujet se devait d’être conçu comme autonome :
La « subjectivité » dont nous traitons ici est la capacité du locuteur à se poser comme
« sujet ». Elle se définit, non par le sentiment que chacun éprouve d’être lui-même (ce sentiment, dans la mesure où l’on peut en faire état, n’est qu’un reflet), mais comme l’unité psychique qui transcende la totalité des expériences vécues qu’elle assemble, et qui assure la permanence de la conscience. Or nous tenons que cette « subjectivité », qu’on la pose en phénoménologie ou en psychologie, comme on voudra, n’est que l’émergence dans l’être d’une propriété fondamentale du langage. Est « ego » qui dit « ego ». Nous trouvons là le fondement de la « subjectivité », qui se détermine par le statut linguistique de la
« personne »[1].
De la même façon qu’en cet