Biographie Michel de Montaigne
Michel Montaigne naquit, en 1533, au château de ce nom, près de Bordeaux, d’une famille ancienne. Son père, quoique noble, fit tenir son fils sur les fonts de baptême par des personnes de basse condition, et le fit élever dans un pauvre village. « Il voulait par-là, nous dit Montaigne lui-même, me former à une vie frugale et austère : son but était de me rallier le peuple et cette condition d’hommes qui a besoin de notre aide ; il estimait que je fusse tenu de regarder plutôt vers celui qui me tend les bras que vers celui qui me tourne le dos. » Montaigne nous a raconté quel soin excessif son père eut de son éducation dès le berceau. Pour ne pas l’arracher brusquement au sommeil, il le faisait réveiller doucement au son d’un instrument. Au lieu de commencer par lui apprendre le français, il le fit passer des mains de sa nourrice dans celles d’un Allemand qui ne lui parlait que latin ; en sorte que « il avait plus de six ans avant qu’il entendit un mot de français ; et sans art, sans livre, sans grammaire ou précepte, sans fouet et sans larmes, il avait appris du latin tout aussi pur que son maître d’école le savait ».
À vingt-et-un ans, Montaigne fut nommé conseiller au parlement de Bordeaux ; s’il eut été ambitieux, il eût pu arriver aux plus grands honneurs ; mais « les affaires publiques n’étaient pas de son gibier », dit-il. Pendant qu’il était conseillé à Bordeaux, il se lia d’une tendre amitié avec un autre conseiller de la cour, nommé Étienne La Boëtie. Ce jeune magistrat, qui mourut à l’âge de trente-deux ans, avait composé, dès l’âge de seize ans, un Traité de la servitude volontaire, qui lui avait acquis une grande réputation de savoir. Montaigne a immortalisé son nom par les belles pages qu’il a écrites sur l’amitié qui les unissait.
On devine combien un cœur si tendre dut souffrir des malheurs de son temps. Il eut la douleur d’être témoin des massacres de la Saint Barthélemy (1572), des fureurs de la Ligue, des exécrables