Bourdieu l'opinion publique n'existe pas
« Les spécialistes des sondages, pour éviter certaines manipulations trop flagrantes, ont réussi à imposer la publication de la fiche technique (taille de l'échantillon, méthode, etc.). Mais cela ne signifie pas grand-chose, excepté par rapport à un micro-trottoir où les réponses sont trop rares, trop peu diverses, et surtout soigneusement sélectionnées, ou bien par rapport aux réponses volontaires à un questionnaire, où seuls ceux qui sont motivés répondent. En fait, il faudrait plutôt indiquer, comme le font les Américains, un taux de validité, qui aurait l'avantage de relativiser les résultats, surtout sur les petits scores. »
Entre temps, on a adopté la méthode américaine. Mais comme ce n'était donc pas le problème, ça n'a pas trop d'importance. Comme le dit Bourdieu, les biais dans le choix des questions sont beaucoup plus importants. Mais il a tort de s'interroger sur les « conditions sociales d'apparition de ces biais ». Il ne faut pas s'étonner que celui qui commande un sondage (et le paye) ait un intérêt quelconque à défendre. Son but n'est pas la connaissance académique. Il ne faut pas s'étonner non plus que les sondages soient liés à la conjoncture ! Le but est exactement de prendre le pouls de l'opinion. L'erreur de Bourdieu sur ce point venait sans doute du fait que cette pratique était relativement nouvelle à l'époque.
Bourdieu a raison, par contre, de souligner que les questions, qui obéissent à une demande politique, gagneraient à être plus pertinentes vis-à-vis du sujet traité, l'éducation dans le cas cité. Que les politiciens instrumentent les sondages est devenu habituel. Cela pouvait surprendre