Eugène, qui se trouvait pour la première fois chez le Père Goriot, ne fut pas maître d'un mouvement de stupéfaction en voyant le bouge où vivait le père, après avoir admiré la toilette de la fille. La fenêtre était sans rideaux ; le papier de tenture collé sur les murailles s'en détachait en plusieurs endroits par l'effet de l'humidité, et se recroquevillait en laissant apercevoir le plâtre jauni par la fumée. Le bonhomme gisait sur un mauvais lit, n'avait qu'une maigre couverture et un couvre-pied ouaté fait avec les bons morceaux des vieilles robes de madame Vauquer. Le carreau était humide et plein de poussière. En face de la croisée se voyait une de ces vieilles commodes à bois de rose en ventre renflé, qui ont des mains en cuivre tordu en façon de sarments décorés de feuilles ou de fleurs ; un vieux meuble à tablette de bois sur lequel étaient un pot à eau dans sa cuvette et tout les ustensiles nécessaires pour se faire sa barbe . Dans un coin, les souliers ; à la tête du lit, une table de nuit sans porte ni marbre ; au coin de la cheminée, où il n'y avait pas trace de feu, se trouvait la table carrée, en bois de noyer […]. L'aspect de cette chambre donnait froid et serrait le cœur, elle ressemblait au plus triste logement d'une prison. Seul le scintillement d'une bougie à moitié consumée apportait un peu de chaleur au vieil homme. Près de la fenêtre siégeait un vieux fauteuil en osier où étaient rangés un pantalon troué, soigneusement plié et une veste mainte fois rapiécée. Cette misère qu'il se donnait, faisait peine à voir. Il semblait indifférent à sa pauvreté sans doute la preuve de l'amour qu'il avait pour ses filles. Son seul vrai bonheur était de satisfaire les souhaits de ses filles en dépit de sa propre vie. Sur le mur était accroché son portrait témoins de sa grandeur passée et son vieux haut de forme qu'il n'avait jamais quitté.
(Il ne demandait rien d'autre qu'une caresse de ses filles adorées. Son amour n'avait pas de limites