Britannicus acte ii scène 2
Narcisse, c'en est fait, Néron est amoureux.
NARCISSE
Vous ?
NERON
Depuis un moment mais pour toute ma vie
J'aime, que dis-je, aimer ? J'idolâtre Junie !
NARCISSE
Vous aimez ?
NERON Excité d'un désir curieux,
Cette nuit je l'ai vue arriver en ces lieux,
Triste, levant au ciel ses yeux mouillés de larmes,
Qui brillaient au travers des flambeaux et des armes,
Belle, sans ornement, dans le simple appareil
D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil.
Que veux-tu ? Je ne sais si cette négligence,
Les ombres, les flambeaux, les cris et le silence,
Et le farouche aspect de ses fiers ravisseurs,
Relevaient de ses yeux les timides douceurs.
Quoi qu'il en soit, ravi d'une si belle vue,
J'ai voulu lui parler, et ma voix s'est perdue :
Immobile, saisi d'un long étonnement,
Je l'ai laissée passer dans son appartement.
J'ai passé dans le mien. C'est là que solitaire,
De son image en vain j'ai voulu me distraire.
Trop présente à mes yeux, je croyais lui parler,
J'aimais jusqu'à ses pleurs que je faisais couler.
Quelquefois, mais trop tard, je lui demandais grâce ;
J'employais les soupirs, et même la menace.
Voilà comme, occupé de mon nouvel amour,
Mes yeux sans se fermer, ont attendu le jour.
Racine, Britannicus, 1669 (acte II, scène 2)
Commentaire Composé
Comment le récit de l'enlèvement de Junie révèle-t-il de la part de Néron un amour ambigu ?
I. Un récit en contraste
A. Le récit de deux visions
récit d'une vision réelle : temps : cette nuit lieu : "en ces lieux"= le palais temps verbaux : imparfait -> description) passé composé -> récit d'action // passé simple (C'est le récit de l'enlèvement de Junie) un début/une fin : arriver -> passer
un autre récit d'une scène imaginaire : succède à l'autre : "je l'ai laissée passer dans son appartement", "J'ai passé dans le mien" remplace la vision réelle, dès qu'elle s'achève, par une scène imaginaire seulement à l'imparfait : aspect duratif :