Bérénice
Dans la préface de Bérénice, Racine définit sa vision du tragique : "Ce n'est point une nécessité qu'il y ait du sang et des morts dans une tragédie ; il suffit que l'action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s'y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie".
Nous pouvons voir que dans cette pièce la tragédie se présente dans l'expression des sentiments. Ce n'est pas le sentiment qui fait la tragédie mais l'action. C'est l'écriture de la pièce, la poésie qu'a crée Racine et la simplicité de cette tristesse.
Chaque mot a son importance. La poésie de Bérénice crée les sentiments eux-mêmes. Il faut donc entendre l'émotion dans les mots et non à travers d'eux. Le héros racinien est déchiré entre l'ombre et la lumière, l'apparition et la disparition. Il est en lutte contre lui-même. Au sommet de sa gloire, Titus est en même temps attiré par l'ombre : "Mon cœur, libre d'ailleurs, sans craindre les murmures,
Peut brûler à son choix dans les flammes obscures." (acte III scène 1). Le moment tragique, c'est aussi le moment où tout est possible, où les personnages sont face à eux-mêmes :"Dans le temps que j'espère un bonheur immortel,
Quand votre heureux amour peut tout ce qu'il désire,
Lorsque Rome se tait, quand votre père expire,
Lorsque tout l'univers fléchit à vos genoux, enfin quand je n'ai plus à redouter que vous". (acte IV scène 5). Si Bérénice ne se tue pas physiquement, la tragédie reste le temps de la fin. Par bienséance, Bérénice ne se tue pas sur scène ; et Racine n'a pas besoin d'un dénouement aussi violent, qui n'est pas nécessaire à la tragédie. La mort de Titus et de Bérénice est annoncée par les deux protagonistes eux-mêmes vers la fin de l'acte