Chers Laure Ats
Chers lauréats, chères lauréates,
Je vais, sans complaisance, me livrer au difficile exercice du discours de bienvenue, de la scène d’exposition de cette longue pièce que sera votre carrière. Je dirai mon morceau obligé, ma tirade, celle des conseils, du « sermon » disent les jeunes… un peu impatients et excédés.
Vous avez une chance immense, vous le savez. Pourquoi ? Parce que vous serez regardés, admirés, adulés parfois, et que tous les yeux seront rivés sur vous. Parce que vous pourrez, dans votre unique existence, vivre plusieurs vies, aimer plusieurs fois, mourir cent fois et toujours renaître… Parce que vous vibrerez d’émotions plus intenses, plus fortes, plus extrêmes que le public qui vous observe… Parce que vous pourrez mettre vos pas dans les traces de monstres sacrés qui vous ont précédés : la Champmeslé, Mlle Mars, Talma ou Frédérick Lemaître, Sarah Bernhardt, Louis Jouvet… Dure concurrence, me direz-vous ; soit, mais le défi vaut la peine d’être relevé.
Acteur, comédien, interprète, illusionniste, magicien mais aussi histrion ? Cabot ? Quoi que vous ayez choisi d’être, vous aurez le pouvoir extraordinaire de faire croire à l’incroyable, de créer le vrai avec le faux, de faire pleurer ou de faire rire, à votre guise… Vous sentirez votre puissance, à vous sans qui un auteur dramatique resterait dans le néant, vous qui faites exister la pièce. Vous vous prendrez parfois pour le créateur, pour Dieu…
Mais, au risque de vous décevoir, je vous dirai que vous n’êtes pas Dieu… vous n’êtes même pas le maître, vous êtes le valet, le serviteur…
Serviteur d’un auteur, d’une œuvre, d’un personnage, d’une troupe, d’un public, de la langue. Et tous ces maîtres impitoyables sauront bien vous rappeler à l’ordre si un jour vous les trahissez… Vous courrez le danger d’être hués, critiqués, accusés de trahison… et l’on ne vous pardonnera pas ces faux pas. Alors comment servir ces