Commentaire composé lettre 132 liaisons dangereuses
Le roman par lettres, qui connait au XVIIIe siècle un essor sans précédent, est une voie d'accès à la représentation de l'espace privé. Cette forme littéraire satisfait le désir d'accéder à une parole authentique, débarrassée de ces écrans et relais que sont les artifices littéraires et rhétoriques. Comme en témoignent les préfaces des romans épistolaires, ce n'est pas un écrivain de métier qui est responsable de la correspondance. Le responsable de l'énonciation est un séducteur, une amante trahie ou un conseiller rempli de bonnes intentions. C'est à ce titre que le lecteur désire connaître les secrets du narrateur et le saisir dans les replis les plus profonds de son moi. Dans Les Liaisons dangereuses de Laclos paru en 1782, une certaine rupture se profile déjà. En effet, les personnages, et essentiellement les personnages libertins que sont le Marquise de Merteuil et le Vicomte de Valmont se dérobent. Le lecteur voudrait les enfermer dans des types mais cette tentative ouvre toujours sur une aporie. Le projet libertin et la manipulation qui y est liée, tous les non-dits, les sous-entendus jamais pleinement avoués (et lorsqu'ils le sont un doute toujours persiste) traduisent une complexité psychologique sans précédent, ou jamais agencée avec tant de virtuosité. Tel est bien le cas de la lettre 131 à l'étude : cette lettre de la Marquise au Vicomte située dans l'ultime partie du roman, répond à la lettre 129 de ce dernier dans laquelle il réclame le prix de sa victoire sur le Présidente. Le lettre 131 le lui refuse, ou le diffère : le Marquise s'est aperçue que le projet libertin, qui se fonde sur un plaisir pur où tout sentiment sincère (l'amour) est renié, semble ébréché. Valmont semble-t-il ne serait plus aussi indifférent qu'il aimerait l'être à la Présidente. L'entreprise libertine coule et c'est dans cette perspective qu'il semble intéressant de lire cette lettre, lettre pivot dans la mesure où à la