Commentaire composée mariveaux
Texte étudié :
Scène 2 : Lisette, Colette, Blaise, Merlin
Merlin : Allons, mes enfants, je vous attendais ; montrez-moi un petit échantillon de votre savoir-faire, et tâchons de gagner notre argent le mieux que nous pourrons ; répétons.
Lisette : Ce que j'aime de ta comédie, c'est que nous nous la donnerons à nous-mêmes ; car je pense que nous allons tenir de jolis propos.
Merlin : De très jolis propos ; car, dans le plan de ma pièce, vous ne sortez point de votre caractère, vous autres : toi, tu joues une maligne soubrette à qui l'on n'en fait point accroire, et te voilà ; Blaise a l'air d'un nigaud pris sans vert, et il en fait le rôle ; une petite coquette de village et Colette, c'est la même chose ; un joli homme et moi, c'est tout un. Un joli homme est inconstant, une coquette n'est pas fidèle : Colette trahit Blaise, je néglige ta flamme. Blaise est un sot qui en pleure, tu es une diablesse qui t'en mets en fureur ; et voilà ma pièce. Oh ! je défie qu'on arrange mieux les choses.
Blaise : Oui, mais si ce que j'allons jouer allait être vrai, prenez garde, au moins, il ne faut pas du tout de bon ; car j'aime Colette, dame !
Merlin : A merveille ! Blaise, je te demande ce ton de nigaud-là dans la pièce.
Lisette : Ecoutez, Monsieur le joli homme, il a raison ; que ceci ne passe point la raillerie ; car je ne suis pas endurante, je vous en avertis.
Merlin : Fort bien, Lisette ! Il y a un aigre-doux dans ce ton-là qu'il faut conserver.
Colette : Allez, allez, Mademoiselle Lisette ; il n'y a rien à appriander pour vous ; car vous êtes plus jolie que moi ; Monsieur Merlin le sait bien.
Merlin : Courage, friponne ; vous y êtes, c'est dans ce goût-là qu'il faut jouer votre rôle. Allons, commençons à répéter.
Lisette : C'est à nous deux à commencer, je crois.
Merlin : Oui, nous sommes la première scène ; asseyez-vous là, vous autres ; et nous, débutons. Tu es au fait, Lisette.